
Face à l’accélération des phénomènes de privatisation, la protection des biens communs devient un enjeu majeur de notre époque. Des ressources naturelles aux savoirs traditionnels, en passant par les espaces publics urbains et le patrimoine culturel, ces biens communs subissent des pressions croissantes. Le cadre juridique actuel, souvent favorable aux intérêts privés, peine à garantir leur préservation pour les générations futures. Cette tension entre appropriation privée et gestion collective soulève des questions fondamentales : comment articuler droits individuels et intérêt général ? Quels mécanismes juridiques peuvent efficacement protéger ces ressources partagées ? L’examen des dispositifs existants et des innovations juridiques prometteuses offre des pistes pour repenser notre rapport aux biens communs.
La notion juridique de bien commun : évolution conceptuelle et défis contemporains
La conceptualisation juridique des biens communs s’inscrit dans une histoire longue et complexe. Dans la tradition romaine, la catégorie des res communes désignait déjà ces choses qui, par leur nature, ne pouvaient faire l’objet d’une appropriation exclusive : l’air, l’eau courante, la mer et ses rivages. Cette conception a traversé les siècles, mais a connu des transformations profondes avec l’avènement de la propriété privée moderne et le développement du capitalisme industriel.
Le mouvement des enclosures en Angleterre, qui a privatisé les terres communales entre le XVIe et le XIXe siècle, représente un tournant historique majeur dans ce processus. Cette privatisation forcée a engendré une reconfiguration radicale des rapports sociaux et économiques, tout en posant les bases d’un système juridique favorable à l’appropriation privative. Le droit contemporain porte encore l’héritage de cette période, avec une tendance à privilégier les droits de propriété individuels sur les usages collectifs.
Aujourd’hui, la notion de bien commun connaît un renouveau théorique significatif. Les travaux d’Elinor Ostrom, lauréate du prix Nobel d’économie en 2009, ont démontré que des communautés pouvaient gérer durablement des ressources partagées sans recourir ni à la privatisation ni à la régulation étatique centralisée. Cette troisième voie, fondée sur l’auto-organisation et la gouvernance polycentrique, a profondément renouvelé l’approche juridique des communs.
Dans le contexte juridique français, la notion de bien commun reste ambivalente. Elle ne constitue pas une catégorie juridique formellement reconnue, mais s’exprime à travers divers concepts comme le domaine public, les choses communes (article 714 du Code civil) ou encore les services publics. Cette fragmentation conceptuelle complique la protection juridique cohérente des biens communs.
Typologie juridique des biens communs
Une approche systématique permet d’identifier plusieurs catégories de biens communs, chacune soulevant des enjeux juridiques spécifiques :
- Les communs naturels : ressources environnementales comme l’eau, l’air, les forêts
- Les communs de la connaissance : savoirs traditionnels, recherche scientifique, œuvres culturelles
- Les communs urbains : espaces publics, jardins partagés, équipements collectifs
- Les communs numériques : logiciels libres, données ouvertes, infrastructure internet
Cette diversité appelle des réponses juridiques différenciées mais guidées par des principes communs : garantir l’accès équitable, prévenir la surexploitation, assurer la participation des usagers aux décisions de gouvernance, et préserver la ressource pour les générations futures. Le défi pour le droit contemporain consiste à développer des instruments adaptés à chaque type de bien commun tout en maintenant une cohérence d’ensemble.
Mécanismes juridiques traditionnels et leurs limites face à la marchandisation
Le droit positif offre plusieurs outils pour protéger les biens communs, mais ces mécanismes traditionnels montrent souvent leurs limites face aux forces marchandes contemporaines. Le régime de la domanialité publique constitue l’un des principaux remparts contre la privatisation. Les biens du domaine public bénéficient des principes d’inaliénabilité, d’imprescriptibilité et d’insaisissabilité, garantissant théoriquement leur préservation dans le patrimoine collectif. Toutefois, les réformes successives du droit des propriétés publiques ont progressivement assoupli ces protections, notamment avec la multiplication des mécanismes de valorisation économique du domaine public.
Les servitudes d’utilité publique représentent un autre outil juridique permettant de limiter les droits des propriétaires privés au profit de l’intérêt général. Qu’il s’agisse de servitudes environnementales, patrimoniales ou d’urbanisme, ces restrictions légales au droit de propriété participent à la sauvegarde de certains aspects des biens communs. Néanmoins, ces servitudes sont souvent perçues comme des atteintes à la propriété privée et font l’objet de contestations récurrentes devant les juridictions administratives et judiciaires.
Dans le domaine environnemental, le droit de l’environnement a développé des instruments spécifiques comme les parcs nationaux, les réserves naturelles ou les zones Natura 2000. Ces dispositifs imposent des contraintes à l’exploitation économique des espaces concernés, mais leur efficacité reste limitée par les pressions économiques, les moyens insuffisants alloués à leur contrôle, et parfois par le manque de volonté politique. La Charte de l’environnement, intégrée au bloc de constitutionnalité français en 2005, a certes consacré des principes fondamentaux comme le droit à un environnement sain ou le principe de précaution, mais sa portée concrète demeure souvent restreinte.
L’érosion progressive des protections publiques
Plusieurs phénomènes juridiques contribuent à l’affaiblissement des protections traditionnelles :
- Le développement des partenariats public-privé qui introduisent des logiques marchandes dans la gestion des infrastructures collectives
- Les politiques de privatisation des entreprises publiques dans des secteurs stratégiques (énergie, transport, télécommunications)
- L’extension du champ des droits de propriété intellectuelle à des domaines autrefois considérés comme non appropriables
- La contractualisation croissante des rapports entre puissance publique et usagers des services publics
Cette érosion s’observe particulièrement dans le domaine de l’eau, ressource vitale par excellence. Malgré sa qualification juridique de patrimoine commun de la nation par la loi sur l’eau de 1992, sa gestion est de plus en plus confiée à des opérateurs privés via des contrats de délégation de service public. Cette tendance soulève des questions fondamentales sur la compatibilité entre logique marchande et préservation d’un bien essentiel à la vie.
Les mécanismes traditionnels de protection se heurtent ainsi à une double contrainte : d’une part, l’influence grandissante du droit économique et de la liberté d’entreprendre dans l’ordre juridique ; d’autre part, la difficulté à appréhender juridiquement des phénomènes complexes comme le changement climatique ou l’érosion de la biodiversité, qui dépassent les cadres territoriaux et temporels habituels du droit.
Innovations juridiques et émergence de nouveaux paradigmes de protection
Face aux insuffisances des cadres juridiques traditionnels, un foisonnement d’initiatives novatrices émerge pour renforcer la protection des biens communs. Ces innovations juridiques s’inscrivent dans une démarche de refondation du rapport entre droit, société et nature.
La reconnaissance des droits de la nature constitue l’une des avancées les plus remarquables. Plusieurs pays ont franchi ce pas conceptuel majeur : l’Équateur a inscrit dans sa Constitution de 2008 les droits de la Pachamama (Terre-Mère), tandis que la Bolivie a adopté en 2010 une loi sur les droits de la Terre-Mère. En Nouvelle-Zélande, le fleuve Whanganui a obtenu en 2017 une personnalité juridique, reconnaissant ainsi son caractère sacré pour le peuple Maori. Cette personnification juridique de la nature transforme radicalement la relation juridique : la nature n’est plus un objet de droit mais devient un sujet titulaire de droits propres.
Dans une perspective plus technique, les fiducies foncières (land trusts) offrent un mécanisme juridique permettant de soustraire des terres au marché immobilier pour les dédier à des usages collectifs pérennes. Ces structures, particulièrement développées dans les pays anglo-saxons, permettent de dissocier propriété foncière et usages du sol. En France, la création récente des Organismes de Foncier Solidaire (OFS) s’inspire de ce modèle pour développer une offre de logements abordables sur le long terme, en dissociant le foncier du bâti.
Le domaine numérique a vu naître des innovations juridiques majeures avec les licences libres comme la GPL (General Public License) pour les logiciels ou les licences Creative Commons pour les œuvres culturelles. Ces dispositifs contractuels ingénieux détournent le droit d’auteur de sa logique exclusive traditionnelle pour garantir le partage et l’enrichissement collectif des créations intellectuelles. Ils ont permis l’émergence d’écosystèmes collaboratifs massifs comme Wikipedia ou le système d’exploitation Linux.
Des statuts juridiques hybrides et adaptés
Entre propriété publique et propriété privée, des formes juridiques intermédiaires se développent :
- Les coopératives d’habitants qui permettent une propriété collective et une gouvernance démocratique des lieux de vie
- Les fondations à but non lucratif dédiées à la préservation de ressources naturelles ou culturelles
- Les régies de quartier associant habitants et pouvoirs publics dans la gestion de services urbains
- Les communs numériques régis par des chartes d’usage et des protocoles de gouvernance partagée
Ces innovations juridiques s’accompagnent d’une réflexion approfondie sur la notion de faisceau de droits (bundle of rights), conceptualisée notamment par l’économiste Elinor Ostrom. Cette approche permet de décomposer la propriété en différentes prérogatives (accès, prélèvement, gestion, exclusion, aliénation) qui peuvent être attribuées à différents acteurs selon les ressources concernées. Cette conception nuancée offre une alternative au modèle binaire propriété privée/propriété publique et ouvre la voie à des arrangements institutionnels plus adaptés à la diversité des biens communs.
La doctrine juridique accompagne ces transformations en proposant des concepts novateurs comme le transpatrimonialité (proposé par la juriste Judith Rochfeld) ou les communs territoriaux (développés par le géographe Pierre Dardot et le philosophe Christian Laval). Ces élaborations théoriques contribuent à légitimer et à structurer les pratiques émergentes de protection des biens communs.
Dimensions internationales et conflits de normes dans la protection des communs
La protection des biens communs se joue désormais à l’échelle mondiale, dépassant largement les frontières nationales. Cette dimension internationale génère des tensions normatives complexes entre différents ordres juridiques.
Les biens communs mondiaux comme les océans, l’atmosphère ou l’Antarctique font l’objet de régimes juridiques spécifiques. Le Traité sur l’Antarctique de 1959, complété par le Protocole de Madrid de 1991, a ainsi instauré un statut particulier pour ce continent, le dédiant à la paix et à la recherche scientifique tout en gelant les revendications territoriales. Pour les océans, la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM) de 1982 a établi le concept de patrimoine commun de l’humanité pour les fonds marins situés au-delà des juridictions nationales. Néanmoins, ces régimes restent fragiles face aux appétits économiques pour les ressources qu’ils abritent.
Les savoirs traditionnels des peuples autochtones constituent une autre catégorie de biens communs menacés à l’échelle internationale. Longtemps pillés par des entreprises pharmaceutiques ou cosmétiques dans des pratiques qualifiées de biopiraterie, ces savoirs bénéficient désormais d’une protection relative grâce à la Convention sur la diversité biologique (1992) et au Protocole de Nagoya (2010) sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages. Pourtant, l’application effective de ces textes se heurte aux intérêts économiques puissants et aux asymétries de pouvoir entre communautés locales et multinationales.
Les accords commerciaux internationaux représentent souvent une menace directe pour les biens communs. L’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) de l’Organisation mondiale du commerce a imposé une vision standardisée et maximaliste des droits de propriété intellectuelle, facilitant la privatisation des semences, des médicaments et des savoirs. Les mécanismes de règlement des différends investisseur-État inclus dans de nombreux accords bilatéraux d’investissement permettent à des entreprises d’attaquer des États pour des mesures de protection environnementale ou sociale jugées contraires à leurs intérêts commerciaux, créant un effet dissuasif sur les politiques publiques de protection des communs.
Résistances et alternatives juridiques transnationales
Face à ces pressions, des contre-mouvements juridiques transnationaux s’organisent :
- Les mouvements pour la justice climatique qui portent des contentieux stratégiques contre États et entreprises
- Les réseaux de semences paysannes qui défendent la libre circulation des semences face aux brevets
- Les coalitions pour l’accès aux médicaments qui luttent contre les monopoles pharmaceutiques
- Les organisations de défense des droits numériques qui promeuvent la neutralité du net et la protection des données personnelles
Ces initiatives s’appuient sur une diversité d’instruments juridiques, des droits humains au droit coutumier en passant par les déclarations internationales comme celle des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Elles illustrent l’émergence d’un pluralisme juridique mondial où coexistent et s’affrontent différentes conceptions normatives.
La jurisprudence internationale joue un rôle croissant dans cette dynamique. La Cour internationale de Justice, la Cour européenne des droits de l’homme ou encore la Cour interaméricaine des droits de l’homme ont rendu des décisions significatives reconnaissant l’importance des biens communs et les obligations des États en matière de protection environnementale ou culturelle. Cette jurisprudence contribue à la formation progressive d’un corpus juridique transnational favorable à la protection des communs, même si son effectivité reste variable.
Vers une gouvernance partagée : repenser le cadre juridique des communs
La protection durable des biens communs nécessite un changement de paradigme juridique qui dépasse la simple opposition entre État et marché. L’enjeu consiste à construire des cadres institutionnels favorisant une gouvernance partagée où les communautés d’usagers jouent un rôle central.
Les travaux d’Elinor Ostrom ont mis en lumière huit principes fondamentaux pour une gouvernance efficace des communs : des limites clairement définies, une concordance entre les règles et les conditions locales, des dispositifs de choix collectifs, un système de surveillance, des sanctions graduelles, des mécanismes de résolution des conflits, une reconnaissance minimale des droits d’organisation, et des systèmes imbriqués pour les ressources de grande taille. Ces principes constituent une boussole précieuse pour l’élaboration de nouveaux cadres juridiques.
Une approche prometteuse consiste à développer des chartes des communs, documents juridiques hybrides définissant les modalités d’usage, de préservation et de gouvernance d’une ressource partagée. Ces chartes, adoptées par les communautés concernées, peuvent acquérir une force juridique en s’articulant avec le droit positif. En Italie, la ville de Bologne a ainsi adopté en 2014 un Règlement pour la gestion et la régénération des biens communs urbains, permettant aux citoyens de s’impliquer directement dans la gestion des espaces publics via des pactes de collaboration avec la municipalité. Cette expérience a inspiré de nombreuses autres villes italiennes et européennes.
La reconnaissance juridique du droit à la ville, conceptualisé par le philosophe Henri Lefebvre, offre un autre cadre théorique fécond. Ce droit collectif implique non seulement l’accès aux ressources urbaines mais aussi la possibilité pour les habitants de participer aux décisions qui façonnent leur environnement quotidien. Sa traduction juridique concrète passe par des mécanismes comme les budgets participatifs, les conseils de quartier ou encore les régies de territoire, qui institutionnalisent la participation citoyenne à la gestion des communs urbains.
Réformes législatives et constitutionnelles nécessaires
Pour ancrer durablement la protection des biens communs, plusieurs réformes structurelles s’imposent :
- L’introduction dans le Code civil d’une catégorie juridique spécifique aux biens communs, distincte de la propriété privée et publique
- La reconnaissance constitutionnelle de certains biens communs fondamentaux comme l’eau, l’air pur ou la biodiversité
- L’élaboration d’un statut juridique pour les commoners (communautés d’usage et de gestion des communs)
- La création d’institutions garantes de la préservation des communs sur le long terme, à l’image du Défenseur des générations futures proposé par plusieurs juristes
Ces transformations juridiques doivent s’accompagner d’une réflexion approfondie sur les indicateurs et les outils d’évaluation. Au-delà des critères économiques traditionnels, il convient de développer des métriques capables de saisir la valeur sociale, écologique et culturelle des communs. Ces nouveaux instruments de mesure permettraient d’orienter les décisions publiques et privées vers une meilleure prise en compte des biens communs.
Le renouvellement du cadre juridique des communs implique enfin une réflexion sur la temporalité du droit. La protection des biens communs s’inscrit nécessairement dans une perspective de long terme, voire de très long terme pour certaines ressources naturelles ou culturelles. Cette dimension temporelle étendue pose un défi à nos systèmes juridiques, souvent prisonniers de logiques court-termistes. Des innovations comme le principe de non-régression en droit de l’environnement ou les servitudes environnementales perpétuelles tentent de répondre à ce défi en inscrivant la protection des communs dans la durée.
L’avenir des biens communs : entre menaces persistantes et espoirs renouvelés
L’horizon des biens communs se dessine dans un paysage contrasté, où les menaces de privatisation côtoient des initiatives porteuses d’espoir. L’intensification des processus d’appropriation privative se manifeste dans de multiples domaines, des données personnelles aux ressources génétiques, en passant par l’espace désormais convoité par des entreprises privées. Cette dynamique s’accompagne d’une sophistication des mécanismes juridiques d’enclosure, notamment à travers l’extension continue du champ des droits de propriété intellectuelle.
Le changement climatique et l’effondrement de la biodiversité constituent des menaces existentielles pour de nombreux biens communs naturels. Ces phénomènes globaux révèlent les limites des cadres juridiques nationaux et appellent à l’émergence d’un véritable droit mondial de l’environnement. Les récentes avancées en matière de justice climatique, comme la décision historique du Tribunal administratif de Paris dans l’affaire Grande-Synthe en 2021, qui a reconnu la carence fautive de l’État français en matière de lutte contre le changement climatique, ouvrent des perspectives prometteuses pour la protection judiciaire des communs environnementaux.
Le domaine numérique constitue un champ de bataille majeur pour l’avenir des communs. L’accumulation massive de données par les géants du numérique pose la question de l’appropriation d’une ressource produite collectivement. Face à cette captation privative, des initiatives comme les coopératives de données ou les communs numériques locaux cherchent à redonner aux individus et aux communautés le contrôle sur leurs données. Le Règlement général sur la protection des données (RGPD) européen, malgré ses limites, a marqué une étape importante dans la reconnaissance de droits collectifs sur les données personnelles.
Mobilisations citoyennes et renouveau démocratique
L’avenir des biens communs dépendra largement de la vitalité des mobilisations sociales qui les défendent :
- Les mouvements pour la souveraineté alimentaire qui défendent les semences paysannes et l’agriculture vivrière
- Les collectifs pour la remunicipalisation de l’eau qui ont obtenu des victoires significatives dans plusieurs villes européennes
- Les communautés du logiciel libre qui continuent à développer des alternatives aux solutions propriétaires
- Les initiatives de science ouverte qui promeuvent un accès universel aux connaissances scientifiques
Ces mouvements témoignent d’un renouveau démocratique fondé sur l’engagement direct des citoyens dans la gestion des ressources qui les concernent. Ils incarnent une conception de la démocratie écologique qui ne se limite pas au vote périodique mais s’exerce quotidiennement à travers la participation à des projets collectifs.
Le développement de monnaies locales complémentaires, de systèmes d’échange locaux ou encore de coopératives énergétiques citoyennes illustre cette dynamique de réappropriation collective. Ces initiatives, bien que souvent modestes à l’échelle individuelle, dessinent collectivement les contours d’une économie alternative où les biens communs occupent une place centrale.
La crise sanitaire mondiale liée à la COVID-19 a révélé avec acuité l’importance des biens communs pour la résilience des sociétés. Elle a notamment mis en lumière les conséquences désastreuses de la marchandisation de la santé et de la recherche médicale. Les débats sur la propriété intellectuelle des vaccins ont souligné les tensions entre droits exclusifs et accès universel aux innovations vitales. Cette crise pourrait constituer un tournant dans la prise de conscience collective de la valeur fondamentale des communs pour notre survie et notre bien-être.
L’avenir des biens communs se joue ainsi dans une dialectique permanente entre forces d’appropriation et dynamiques de partage, entre logiques marchandes et aspirations collectives. Le droit, loin d’être un simple outil technique, constitue un terrain d’affrontement où s’expriment ces visions contradictoires du monde. La construction patiente d’un cadre juridique favorable aux communs représente un chantier fondamental pour les décennies à venir, un chantier qui engage notre capacité collective à habiter durablement une planète aux ressources limitées.